En 1865, l’activité industrielle givetoise est florissante: la fabrique de pipe (600 ouvriers), l'usine de colle (600 ouvriers), l'usine de soie (600 ouvriers), la manufacture de crayons, les tanneries, la fabrique de céramique, les carrières de pierre bleue, etc... La ville ressemble à un vaste chantier et il est bien difficile de se promener en ville sans se faire éclabousser... sans parler du bruit.
Charles-Napoléon GILBERT (des crayons Gilbert) cherche un endroit calme, en dehors de la ville, pour y bâtir sa demeure.
La campagne du nord de Givet n'est pas encore bâtie: on n'y trouve que des terres agricoles et des prés. Son dévolu se fixe sur la "terre des canards", contre la frontière belge. Celle-ci est traversée par un ruisseau et lui laisse la possibilité d'acquérir du terrain.
C'est là qu'il y fait construire une maison cossue avec 8 conduits de cheminée, caves voûtées et en annexe, des communs: écuries, buanderie, remises, grange et un logement pour les journaliers. Durant près d'un demi-siècle, le domaine des canards sera propriété de la famille Gilbert.
A partir de 1904, plusieurs exploitants agricoles se succéderont aux canards. Le domaine comptera jusque 20 hectares de terre et de prés.
En 1924, commence une intense activité avicole. Des centaines de poulets picorent tout autour de la ferme. Les propriétaires occupent le château, les ouvriers logent à la ferme.
En 1936, on sépare la ferme et le petit château par une clôture. Le château deviendra "Hotel-café-restaurant français"; pendant que la ferme est louée en fermage à divers exploitants.
Durant la guerre 40-45, le château des canards se métamorphose bien vite en "maison close".
Des filles accueillent entre autre les soldats américains dans les quatre chambres à l’étage.
De 1948 à 1982, c'est le "Paradou, café-dancing". Les propriétaires vont profiter des opportunités que leur offre cette époque exceptionnelle de l'après-guerre et exploiter la situation géographique de l’établissement.
Les clients garent leur voiture sur le parking situé sur territoire belge et passent hardiment la frontière à pied. En territoire français, il n'y a plus qu'à profiter nombreux avantages: vins, apéritifs, champagne, alcools, picon, PKGC... à des prix défiant toute concurrence pour les petits belges... au nez et à la barbe des douaniers qui ne peuvent rien y faire, car tout ça est bien légal.
Des caves seront aménagés pour stocker champagnes et alcools de tous genres. L'approvisionnement se fait par camions ou par chemin de fer. On agrandit, on construit... on peut accueillir jusqu'à 500 personnes dans les salles et par beau temps, encore autant sur les terrasses.
Pour animer cette folle guinguette, les orchestres de l'époque se relaient sur les podiums. Chaque week-end, les cars belges déposent des flots de touristes. Une moyenne de 15 cars par W.E. en plus des voitures particulières. Cette folle aventure durera 34 ans.
1982: un chirurgien de Givet se porte acquéreur. Après 34 ans de flonflons, il trouve la propriété dans un triste état. Il entame une sérieuse restauration: toiture, châssis, plafonnage, carrelage, électricité... Après 16 ans de travaux intenses, le petit château des canards retrouvera son lustre d'antan. Malheureusement, le décès accidentel du médecin contraindra la famille à se séparer du domaine prématurément.
C'est en 2004 que la famille Wuillaume élira domicile aux canards et poursuivront le travail de réhabilitation entamé.
Cet espace de vie situé à cheval sur nos deux frontières fait bien partie d'un patrimoine commun. Parmi les 9 propriétaires successifs, 4 sont de nationalité française, 4 viennent de Belgique et un couple mixte. Bref, la parité est respectée.
Depuis Octobre 2018, la famille Jacquemart fait revivre le Paradou et son histoire avec plein de projets ambitieux.